LîvreE

 

Nadine avait appelé le matin même, pour l’aider à déblayer l’appartement de son frère.
« Tu sais Émilien était fou, vers la fin. Il accumulait un bazar monstrueux, regarde moi l’état de ses bouquins »
Elle tira au hasard un livre.
« Histoire de l’individualisme »
Sur la couverture était griffonné à la main le mot « LîvreE » avec un accent et deux e. Elle était parsemée de petits trous, comme s’il l’avait attaquée à coups de compas.

« Aucun sens, regarde. À croire qu’il ne savait même plus écrire. Il était brillant, pourtant. »
Elle souriait.

« Le pire, c’est que personne ne savait qu’il était mort. On l’a découvert au bout de trois semaines »
Elle agita sa main devant son nez pour indiquer une mauvaise odeur.
« Ici »
Elle me montra la salle de bain
« Il a sans doute fait un arrêt cardiaque dans son bain et a tenté de sortir »
La baignoire était sale comme le reste de la pièce, sous cette même couche de poussière qui enveloppait les livres.
« J’ai toujours dit qu’il lui fallait une femme. Quand ma mère est morte, j’ai pas eu le courage de l’assumer. Il lui fallait une femme, c’était pas mon boulot  »
Bruit de verre brisé.
« Meeerde »
Le grand miroir de l’entrée était tombé
« Enfin, c’était de la camelote. Le miroir de sa chambre d’ado, il l’avait repris à la mort de la mère. »

« Bon, tout n’est pas perdu. Va falloir tout nettoyer. On va mettre ses bouquins en brocante. Et puis, reste la Twingo. Christophe pense en tirer 1500€, il va la descendre sur Marseille. Il roulait pas sur l’or. RSA depuis des années ! »
Je glissai discrètement le livre dans mon sac.

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