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C’est dans la solitude que je m’adonne le mieux à la douleur. Que je sais lui consacrer le temps qu’elle mérite, la rassurer et l’apaiser.

C’est dans la solitude que je savoure la douce et lente mélancolie.Je profite du rien.

J’ai enlevé aux secondes chacun de leur poids et je m’applique à me laisser aller, me lover dans le silence. Rien ne vient le troubler. Juste l’inlassable tic tac d’une horloge effarée que ses aiguilles ne bougent pas. Rythmer le néant. Le temps s’est arrêté. 

Je m’étends sur mon matelas
de toute ma fatigue, jusqu’au bout des doigts,
et je reste là, le cœur battant:
je crains le jour qui vient.

La nuit s’est couchée trop tôt. Pourtant, j’admire la nuit. Son manteau de silence, au tissu de douceur. Et quand sonne minuit, le monde entre parenthèse, plus rien n’a d’importance. L’invisible ressurgit, celui qui fuit les bruits de pas, des machineries, des rires et des cris.

Je la rêve éternelle.

Demain n’arrivera pas, et cesseront le tumulte, le tourbillon des choses sans saveur, et le vacarme des objectifs stériles, aussi sérieux qu’ils sont absurdes.

Je rêve d’errances, sans orgueil, sans ambition.

Quitter la ville

Texte du 29 Novembre 2018

“Un jour on quittera notre ville et on s’installera ici, il y a de la vie”
Ma mère n’aspirait qu’à une chose, quitter Paris, son boulot, venir s’installer au calme. Elle avait tendance à idéaliser la campagne, oppressée qu’elle était par les hautes tours, les loyers trop chers et la pollution de la capitale. Je la croyais car, pourquoi aurait-elle eu tort ?
À Paris, les sens sont saturés d’information. L’odeur de pisse, de nourriture, des gaz d’échappement. Le bruit des voitures, des gens, des travaux. La silhouette des immeubles, les piétons en mouvement, les enseignes lumineuses. L’air riche en dioxyde de carbone, la chaleur poisseuse du métro, la promiscuité des passagers. Et l’odeur se mêle au goût, et laisse un goût amer sur la langue. Chaque jour, je déteste les gens de simplement exister. D’être là, en même temps que moi. De prendre ce même espace que je revendique aussi. D’avoir la même aspiration à fuir, mais de suivre le même chemin, dans la crainte d’être déçu par l’idée simpliste et mensongère qu’ils se font du bonheur. Fuir. Pour aller où ?