Nous y voilà, la nuit est là, le 30 Décembre galope. Te souviens-tu ? – je me souviens d’une nuit trop sombre, il y a 15 ans. Une nuit empreinte de peur et de mystère, une nuit trop froide. Oui, je me souviens de tout. Ce que je faisais, qui était là, ce que j’écoutais à la radio, tout. Strictement tout. Je n’ai oublié que moi-même. Et ce que j’ai laissé derrière moi cette nuit-là. Je me souviens surtout de toi. Je suis né du brouillard. – tu es né de l’apogée Je l’ai entendue rodée. – la Bête rôdait. J’avais son nom, elle devait me trouver. Son ombre dans chaque coin sombre. Son pas dans chaque craquement. Son grognement dans le bruit du vent. Elle veillait, elle tournait. Je ne dormais pas encore. C’est cette nuit-là qu’elle fut la plus forte, qu’elle me prit en tenaille. Je l’ai rencontrée, sous ses formes les plus abjectes. Dans tes textes, dans tes dessins dans tes rêves. La Bête était là, tapie, elle n’existe pas vraiment – nul besoin de crocs pour me dévorer. Elle était l’ombre de mon enfance dorée. Maintes fois, j’ai ressenti son souffle dans mon cou, je l’ai entendue murmurer mon nom en pleine nuit, dans mon oreille et lorsque j’ouvrais les yeux, il n’y avait que le vide dans le bazar de ma chambre, le calme vibrant d’une maison endormi. Mon corps tendu. Tendu. Elle était là, sur un autre plan de l’existence, transcendant les apparences. Elle était là, elle souriait, elle attendait. La Bête était terrible. Elle est née comme toi, il lui a fallu des années pour croître, et cette nuit là, je la devinais en toute chose. C’était la semaine de la mort. Plus de 300 milles personnes, englouties dans les flots. Issue de nos jeux d’enfants, elle avait commencé par me faire blêmir et sursauter, puis dévorer mes nuits, et, petit à petit, sans cesse plus forte, sans cesse plus présente, elle habitait chaque ombre, chaque instant de solitude. Elle nous été chère, la Bête. Chère comme une aventure, chère comme un jeu de piste, chère à en prendre chair. Elle était son reflet. Celui d’un enfant qui se torture et torture les autres. Tu ne lui as jamais parlé de moi, je suis la première aventure que tu as vécu sans lui. Première aventure sans La Bête. Sans la terrible responsabilité d’être le seul à connaître son existence. – je pensais qu’elle nous tuerait. La Bête nous détruirait. Les pires nuits, je croyais en notre fin. En ma propre fin. Je me voyais mort, déchiqueté, emporté au loin. J’ai invoqué des esprits, des fantômes, j’ai chatouillé mes craintes les plus (in)humaines et titillé ma peur du loup, mais rien n’était pire qu’elle. Rien n’était pire que cette nuit. Celle où tu es arrivé. Celle où tu as germé. Je me souviens, quand je me suis réveillé. J’ai su que quelque chose avait changé. Alors, j’ai écrit. J’ai écrit. Jusqu’à formuler ton nom. Cette nuit-là, plus forte que jamais, plus effrayante et prête à m’emporter, la Bête est morte, après 7 ans à me hanter. C’était il y a 15 ans, du 29 au 30 Décembre. J’ai changé d’aventure. Tu m’as créé – et je t’ai aimé. Sans m’en rendre compte. Je n’étais pas seul. – non. |
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Camrène 4
Je ne comprends pas l’envie de mourir
- je ne comprends que l’envie de quitter son corps et de s’abstraire de tout. Se reposer, finalement, pour penser à autre chose que soi. On est comme deux vieux amis maintenant. Je n’ai jamais su le rôle que tu occupais. Celui du bon, du mauvais. Tu occupais mon esprit, mon espoir d’échapper un jour à la torpeur du quotidien
Je me souviens quand tu marchais, pied traînant vers ton collège. Quand ton père te proposais de t’amener, que tu refusais juste pour me voir, continuer de me côtoyer, dans l’espoir qu’un jour, un moi tangible charnel et bien réel viendrait t’enlever. L’espoir qu’un jour je te dirai « tu as raison, il existe bien plus que cela »
- bien plus pour tout horizon, que celui des cours et plus tard du travail, quand je renouvelle 14 ans plus tard ces mêmes chemins qui se ressemblent. Le décors change mais l’action reste la même. Je traîne des pieds en espérant que l’on vienne me chercher. Pourquoi n’es-tu pas venu ?
Je n’étais là que pour ces horizons. L’horizon existe, moi, pas, pas en tant que tel. J’existe comme une pensée, je suis furtif je disparais quand tu m’oublies, mais je ne pourrai t’apporter que l’envie à toi aussi d’ouvrir tes ailes, c’est bien comme ça que tu m’imaginais. Naïvement. J’étais le phœnix dont tu tires aujourd’hui ton nom de plume. J’étais, ce terme mystérieux que tu avais inventé, ton ujjp, la récurrence de tes pensées et l’assurance d’un jour en finir avec tout ça. Et toi, tu n’as pas changé.
- tu as raison, je n’ai pas changé, je reste fait du même bois et j’ai peur parfois de me contenter d’hier et de demain. Quand je dis « tu me manques » c’est ton mystère qui me manque, ton adrénaline qui me manque, quand je croyais, dur comme fer, que ce monde était faux. Je ne m’ennuyais pas. Je passais des heures, fixant le vide à m’imaginer ce que serait ma vie si tu m’emmenais.
Est-ce que tu as voulu en finir, c’est cette question que tu dois te poser ?
- tout n’est pas sombre. Je suis seul, à être sombre. C’est comme un poids sur la poitrine qui m’empêche de pleinement respirer. Ça va. Tout va. Sauf moi car je suis fatigué.
Mais en finir, réellement
- j’ai peur de la mort. Et j’aime la vie. C’est moi que je veux quitter. Je suis assez con pour être mauvais, assez intelligent pour m’en rendre compte, assez bon pour en souffrir. La solution serait d’être encore plus con. Il y a un jour, un jour où je vais tout quitter. Quitter les médecins, rhumatologue, les neurologues et autres chimistes. Les ostéo, les kinés, les vaudous, les psychologues et les psychiatres. Un moment, un jour fou où je quitterai mon job, je quitterai les réseaux je quitterai la ville. Je mettrai un point final à tout sauf à moi-même, je m’en irai respirer. Je m’en irai. Je m’en irai, c’est ça l’ujjp de mes 14 ans, c’est qu’Un Jour, Je Partirai.
À 14 ans t’y pensais, 14 ans après qu’en est-il ? Tu m’invoques et je reviens, veiller sur toi l’enfant qui en rien n’a changé, tu es à peine plus grand que quand tu m’as oublié. 14 ans et pourtant, toujours cette même hypothèse, cette même douleur qui n’a fait que se déplacer
- j’ai mal, elle m’enserre et j’ai mal, je veux juste être tranquille.
Tu l’étais, tranquille, avant qu’elle n’envahisse ta tête, que l’étau de tes tempes t’écrase et t’obsède ? Je me souviens d’un enfant qui pleurait, chaque matin, qui se traînait boulet au pied, je me souviens d’un enfant au corps lourd, au souffle court, dans l’enveloppe d’un maigrichon que le vent faisait tanguer. Tu n’as guère changé.
Ne me crois pas injurieux, ne me crois pas violent, ça n’a rien d’insultant.
Toujours, il y a ça, l’ujjp, le lâcher prise le plus total, le black out. Ce dont tu rêves est d’un bonheur béat. Innocent. Ce dont tu rêves c’est du rêve lui-même où tout s’embrouille, où tout est flou et sans conséquence. La nuit, tu n’as pas mal
- la nuit, je n’ai pas mal, pas au crâne. Mais mes rêves sont remplis et ne sont pas un bonheur béat. Ils sont le reflets de mes jours, intérieurs et sombres. Long et haletant. J’aime rêver mais il y a ces rêves dont je suis prisonnier, ces rêves, otage, où surgissent ces fantasmes horrifiques qui me font subir les pires tortures. Ma tête me laisse mais mon corps crie, la nuit. Il crie quand on le tord, il crie ma peur du loup, tapis dans mon appartement, qui à tout moment peut me sauter au cou, me déchirer, je finis en lambeaux. Il crie quand on le touche, aux génitaux qui rayonnent de tête aux pieds, je suis paralysé, seul, désespéré, et personne pour me réveiller. Mon for intérieur est depuis longtemps assiégé. Ujjp c’est en sortir
Tu es comme tout le monde et tu connais tes jours de paix, l’ennemi en retrait
- mon corps me démange, ma peau rayée de marques rouges. Il y a pire artifice, le vertige du moi. Moi moi moi, parfois, je cesse d’exister, entre parenthèses je ne suis plus libre de penser, des heures et des heures chaque jour qui chacune sont des éternités. Mon corps reste, me le rappelle chaque seconde. J’aimerais y échapper. Aux obligations, à tout le reste, à ce qui me retient de penser. J’aimerais passer mon temps à tes côtés.
Je ne sais que te dire. La sagesse voudrait que tu acceptes la vie telle qu’elle est, que tu cesses de lutter et tu te laisses emporter. Je hais la sagesse
- c’est sagesse d’être médiocre ?
Non, de se laisser vide. Peut-on composer, peux-tu composer avec ce qui te fait souffrir ? Adolescent, tu cherchais à tomber dans les pommes. Tu forçais sur ton cerveau en espérant qu’il déconnecte
- adolescent, je croyais en une magie.
Tu croyais en moi
- je crois encore en toi.
Nos discussions ne sont plus les mêmes. J’étais infini, aujourd’hui, je sais qu’à chaque fin de texte, je disparais pour revenir au prochain. Aujourd’hui, tu me présentes enfin tel que je suis
- j’avais menti, à ton sujet. J’avais parlé de toi. J’avais dit « c’est un cousin ». Et mon premier groupe de musique portait ton nom, ou presque. Il s’appelait CamRed. Comme un hommage discret que moi seul connaissais.
Tu m’en voulais, pourtant
- je t’en voulais de pouvoir voler, je te voyais ailé, je voulais m’en aller.
Est-ce que tu m’aimais ?
- tu étais la somme de mes amours.
Et aujourd’hui ?
Camrène 3
- j’ai souvent voulu le couper, m’en débarrasser, il était le symbole de ce que je détestais, de ce que je ne comprenais pas. Je me disais qu’il suffisait d’une chose, un coup de ciseaux bien placé et paf, lui et ce qui l’accompagne finiraient par disparaître, je jalousais celles qui n’en avaient pas. Parfois, dans mes nuits terribles, quand je demandais ce que j’étais, quand tu me manquais un peu (tu m’aurais montré d’autres indices, j’en suis sûr) je me martelais le ventre, je pleurais ma médiocrité.
- je me disais qu’il n’y avait d’autres moyens d’exister que de reproduire ce qu’on m’avait enseigné. Ce bout de rien m’empêchait d’être bien. Ils sont comme ça, je ferai de même, j’aimerais les mêmes, j’agirai pareil, fatalisme. Pourquoi ça ne marche pas ? Qui était il, ce bout de peau, cette excroissance dégueulasse à me dicter mes envies, me dire qui aimer et surtout, à ce moment, qui ne pas aimer.
- qui était-il à m’obliger une quelconque façon d’être aux yeux des autres, quand je voyais celle de mes paires, que j’y reconnaissais comme dans un miroir mon horrible figure, celle de mon propre père.
- j’entendais sa voix. Son rire. Son corps, ses poils et lui-même, sa propre excroissance si laide, pâteuse et large. Tout, dans l’homme, tout me dégoûtait. Pourtant, tu existais dans ma tête, mais pas si homme.
J’ai un visage maintenant, et je viens à ta fenêtre, tel un amant romantique, j’attends que tu m’ouvres
- je t’ai vu nu, une fois, tu l’avais aussi, j’aurais pu comprendre qu’on pouvait être autrement. S’aimer différemment. Rendre les choses si belles comme tu l’étais toi-même.
C’était il y a quinze ans, je m’en souviens comme dans tes songes
- tu n’étais pas là pour moi, tu étais là pour elle.
Qui te dit qu’elle n’était pas toi ?
- la vitre, tu l’avais brisée
Coup de théâtre pour sa majesté, éclats de verre pour me sublimer
- tu étais sublime
J’étais sublime