Orléans

Ma fuite permanente continue donc ici, dans ce nouveau départ, celui qui aura lieu dans quelques jours, vers Orléans. Je quitte la chaleur sous les toits, mon 30m² pour une maisonnette et son petit jardin.

Comme chaque page qui se tourne, il y a l’espoir d’un changement radical.

Je sais pourtant que mes soirées seront les mêmes. Que je retrouverai mon corps trop lourd, que mes matins auront le carcan du dégoût, que je traînerai mes piers, encore et toujours avec cette impression de ne pas être où je le souhaite.

Pourtant…

Pourtant, quand je m’effondrerai, je le ferai dans la fraîcheur de l’herbe humide. Quand j’aurai le pas lourd, j’aurai la brise de la nuit rien que pour moi. Quand ma tête cognera, j’aurai le silence, si lourd parfois, mais toujours reposant.

J’aime le silence, qui m’enlace, me détend, sécurisant.

Je hais le silence, sourd, suintant et sa chape de plomb

Têbe

CW douleur, médicaments


« Je suis là. »

L’idée de me taper violemment la tête contre les murs me traverse souvent l’esprit, pour que la douleur réel, maîtrisable et rassurante remplace celle de mes nerfs qui s’affolent de ne rien ressentir.
Ce couteau froid, ce pic de glace sur ma tête pénètre ma chair, sans cesse, sans jamais la traverser. Je veux me fondre dans quelques substance légales, me donner l’impression pour un soir de ne pas avoir la charge de mes maux. Là, c’est à ce flacon posé sur ma table de nuit de gérer ma douleur. Mon réconfort tient dans ce liquide bleu que je dilue goutte après goutte dans un verre d’eau. Je ne l’ai pas porté à ma bouche que j’en ressens déjà les effets. Mes muscles s’apaisent à l’idée de s’apaiser, et je respire. Pleinement. Mes épaules s’affaissent et j’ai soudain envie de m’étirer.

« C’est un démon. Il a jeté son dévolu sur toi, il te cherche, il y a en toi, une brèche, il s’est engouffré, à travers ton vice. Regarde-toi. »


Qui es-tu pour prétendre connaître Têbe ? Une brèche, une faille ? Têbe ne sonne pas aux portes, Têbe s’installe, prend ses aises, ne paie pas le loyer met son bazar et son vacarme.

Et, changé, chamboulé, je n’entends plus. Je ne vois plus. Chaque sens se réuni en un point unique, lancinant, pulsatile, à chaque pensée qui s’égare, Têbe se rappelle à elle.


« Je suis là. »


Voilà la fatigue et mes yeux se ferment, le médicament fait son effet. Il ne me soigne pas mais me fait oublier, me fait doucement plonger vers les sensations fictives des rêves. Tantôt douces, tantôt violentes.Têbe me quitte un peu.

Mes yeux se rouvrent, et


« Je suis là. »


Je sais que tu es là, chaque seconde, je n’oublie pas.

Mes paupières tombent à nouveau. J’entendais des voix, et puis je vois. La vie prend forme face à moi, c’est ma mère ? L’image est trouble. Je ne sais pas, non, une autre femme. La nuit se matérialise, elle fait d’une pensée une substance. Ce que j’entends dans ma tête passe à mes oreilles, les images deviennent nettes et Têbe s’efface, j’entre dans la dimension du rêve, aussi ennuyante que celle du quotidien, sauf que Têbe n’est jamais là.Cinq années de vie partagée, mais jamais un seul rêve qui l’évoque.
Têbe est mon cauchemar que j’oublie chaque nuit quand je m’éveille enfin.