Il y a un mystère dans cette nuit venteuse. Dans le bruit des feuillages sous l’opacité des nuages. Dans le noir, informes et furtifs, rodent mes cauchemars d’enfant. Je les sens tapis dans l’ombre, mais dans l’air humide, ils me paraissent bien risibles. Mon oreille aux aguets, c’est le vent que j’entends et, tandis que mes yeux s’habituent à l’obscurité, apparaît devant moi la danse des cimes. Je souffle avec la brise, mon corps se détend, je pourrais presque fermer les yeux. Qu’importe mes peurs, qu’importent mes fantômes, ce soir, je n’appartiens qu’à ce brin de tempête. Et, les humeurs en rafales, l’atmosphère soupire enfin.

Je rêve de me fondre dans les ombres du monde.

Virevolter, délesté de tout.

Et quand viendrait la nuit, habiter en toute chose, n’avoir comme pensées que celles d’observer, d’exister, d’être sans me réfléchir ou me concevoir, être là pour être là, avoir un “moi” qui n’en serait pas. Ne plus dire “je pense” mais penser, penser les choses et m’y oublier. Cesser de m’ancrer pour mieux discerner, sous la lumière obscure, le bruissement du silence, les chuchotements intimes et les odeurs infimes. Je ne serais au centre rien, surtout pas de moi-même. Ce moi ardent qui me pèse tant deviendrait fumée, et ma fuite, ma fuite latente, une omniprésence. 

Arrête, mais continue, j’aime ça à en vomir, je voudrais, dans tes bras, tout ressentir, sans tressaillir, ne plus qu’aimer sans me figer. Tes mains, de mon visage à mon intime, je frissonne, peur et plaisir, je me répugne d’apprécier, j’aimerais me retirer, et cesser d’exister.